L'or fané des érables
Octobre et l’automne sont venus pleurer
Sur vos tombes et l’or fané des érables
Semé sur le froid granit vient mesurer
Le temps qui passe mais plus ne vous accable
Aussi c’est vous toujours vivants que nous voyons,
Vous ne changerez plus et le temps ne passe
Que pour nous, l’hiver et toutes les saisons
Sont sans prise sur les morts qui n’ont comme place
Que le cœur des vivants et leurs souvenirs,
Les tombes ne sont qu’un lieu de mémoire
Inhabité où l’on vient se recueillir
Et de nos vies la fatidique écritoire.
Jean, c’est toujours par ta tombe que j’arrive
Et vient faire quelques gestes fraternels,
Ce ne sont plus ceux dont ton absence me prive
Mais il faut que je touche à ce lien charnel
De la pierre, je la nettoie de la terre,
J’enlève les brindilles et les cailloux,
Je relève un pot que le vent trop colère
A couché, l’arbuste en est devenu roux
Alors je regarde son ombre portée
Avant de m’en aller vers d’autres tombeaux…
Guy, voilà ta tombe de terre mouillée.
Mais quand donc commenceront les travaux ?
Tu t’en moques bien comme de mon appel
L’autre jour quand tu passas dans l’avenue.
Guy ! Guy ! Criai-je dans un silence irréel,
Je n’étais ni dans l’horizon de ta vue
Ni dans celui de ton ouïe. Etais-ce toi
Ou bien une imitation de ton fantôme ?
J’en déciderais peut être une autre fois.
Mais pour les morts faut-il écrire des psaumes ?
Frères, je vous quitte pour une autre tombe
Sur laquelle vous vous êtes arrêtés
Pour y jeter, blanche comme une colombe,
La fleur de votre peine et murmurer
Peut-être une prière pour leur âme.
Maman, Papa, Mémé, Pépé, ils ont là
Leur brève vie gravée au fer d’un calame ;
Leurs noms, deux dates… Ne les oublions pas !
Souvent je suis passé là depuis l’enfance,
Et longtemps le seul tombeau où méditer,
Le seul tombeau à fleurir avec constance
Le seul où après l’effort me reposer
De mes balades à vélo en Chevreuse
Fut ce dernier où je m’arrête aujourd’hui.
Je n’y priais pas, mais la mort moqueuse
Remplit ces jardins de pierres d’harmonie,
Un esprit zen y règne qui les transforment
En un lieu de sage et tranquille beauté.
C’est cela, que sous l’ombrage des ormes,
Des frênes, des sophoras, je viens chercher.