Les poètes iront vers les villes

Les poètes vont et viennent et crient
Dans les déserts où s’étouffent leur voix
Les a-t-on moins entendus qu’aujourd’hui ?
Pourtant des dunes ils passeront l’octroi,
Ils iront vers les villes pour y chanter
Les espoirs et les douleurs rencontrés,
La mort venue des famines et des guerres
Et du sang répandu le parfum délétère,
Poison des corps, poison des cœurs, l’infâme
Silence qui suit les bombes avant les pleurs…
Oh ! des femmes et des enfants le cri de terreur
Qui peut en supporter un instant la flamme ?
Las ! l’homme est sourd et devient insensible,
Il se croit innocent de ces malheurs
L’âme abusée et le cœur impassible
Enfermé et barbelé de tant de peurs
Quelles forces et quels désirs impuissants
L’accablent et l’empêchent d’une révolte
Nécessaire contre les fleuves sanglants
Qui partout détruisent et noient les récoltes.
Homme ! Homme qu’as-tu fait de la Terre,
Qu’as-tu fait de toi-même ? Est-ce bien toi
Cette bête sauvage que n’altère
Aucun meurtre, jetant partout l’effroi ?
Quelle folie t’obsède pour te jeter
Sur tout au péril même de ta survie ?
Ne préfères-tu pas à ces charniers
Où s’enterrent toutes les utopies
La beauté d’une profonde amitié,
Le bonheur de deux âmes qui s’enlacent,
La joie autour d’un repas partagé ?
Non, il faut aussi que de ta terrasse
Tu puisses contempler à la lumière
De midi ou dans l’ombre de la nuit
Tous ceux que ploie et brûle la misère
Et les tombes, les morts, les crucifix.
La Terre ne te plait donc qu’endeuillée
De tes forfaits et tu n’admires l’azur
Que lorsque des bombes viennent frapper
D’autres hommes et détruire leurs murs ?
Ô insensé tu crois ainsi gagner
La tranquillité et enfin poursuivre
Tes rêves en oubliant les humiliés.
Mais eux prouveront par leur colère ivre
Que ta prétendue paix, pleine d’alarmes,
N’est qu’une illusion, ô forcené.
Jamais les guerres et l’emploi des armes
N’ont donné la paix mais toujours créé
De nouveaux ennemis puis accouché
De nouvelles terreurs et pogromes.
Ô frère, crois-tu par là t’initier
A l’amour et ses délicieux arômes ?
Et crois-tu dans les tombes que tu creuses,
Dans l’errance folle des incendies,
Les affres, le martyr, trouver heureuse
Solution et douce compagnie ?
Vraiment ton cœur est-il aussi féroce
Et ton visage ce terrible assassin
Que n’émeut plus les supplices atroces
Qu’il inflige ? Regarde donc tes mains
Pleines de sang n’étaient-elles pas faites
Pour les caresses ? Comment effacer
Maintenant ces taches ? Quelle défaite
Pour ton esprit ces crimes insensés
Où tu t’es impunément abreuvé
Croyant donné à ton dieu la victoire
Alors qu’il pleure son monde brisé.
Tu pensais en connaître le grimoire,
Et te voilà perdu dans les ruines,
Ennemi de toi-même tu veux toujours
Y porter un coup et tu hallucines
Quelques fantômes, songes noirs et lourds,
Qui t’aveuglent et te font voir l’ombre
D’un snipper dans un tronc mort et brisé
Et tu tires dessus cette terreur sombre
Qui hante ton âme et tes jours exténués
A poursuivre infiniment le pouvoir
Sur la Nature, les hommes et les femmes.
Triste passion et chemin sans espoir
Cette quête où l’horreur joue ses gammes.
Ne veux-tu pas d’une voix neuve
Chanter d’autres moissons et t’abreuver
À des eaux de fontaines et de fleuves
Plus limpides et couvrir de baiser
Ton amie, ta femme ou tes enfants ?
Marcher aux jardins que le soleil dore,
Et voir les autres heureux, souriants
Sans alarme et respirant la flore
En guettant l’abeille et la coccinelle,
N’est- ce pas mieux pour la Terre et pour toi
Que tes violences impies et cruelles ?
Oui, va calmer tes fureurs dans les bois,
Sous les frondaisons des arbres géants
Reçoit des oiseaux la douce parole
Pour qu’elle calme ton cœur mécontent
Et d’un sourire fait leur une obole.
Foule patiemment le sol des forêts,
Et dans cette ombre touchée du soleil
Cherche et trouve tes chemins vers la paix ;
Retourne vers le beau et l’essentiel,
...