Le voyageur des paysages
Je suis le voyageur des paysages,
Proches ou lointains, ils sont de mes yeux
Le désir profond. Pour eux je prends bagages,
Je prends le train, le vélo, sous les cieux
Je file qu’ils soient bleus ou pleins d’orages,
J’affronterais pour eux les vent furieux.
Ô paysages jamais immobiles
Montagnes changeantes, fauves forêts,
Lacs miroitants où paressent des îles,
Campagnes aux chasseurs et chiens d’arrêt,
Boulevards, rues et boutiques des villes,
Vous échappez toujours de nos portraits.
Défis du peintre et du rusé poète
Vous glissez entre leurs agiles doigts,
Et leur lèvres impuissantes halètent
A traduire couleurs, parfums et voix.
Trop subtile le chant de l’alouette,
Trop vif le lièvre qui fuit dans le bois,
Trop mouvantes vos couleurs, trop instable
Dans ces jeux la lumière de vos ciels
Et la vague qui reflue sur le sable
Trop hésitante à mes pieds plein de sel
Alors qu’au loin elle gronde et accable
La roche de ses ressacs éternels.
Bruyante là, muette ici, la mer
Artiste indomptable défie le verbe
Des poètes de ses rouleaux amers
Et les peintres de ses lames acerbes.
Dans les champs des blés mûrs se dressent fiers,
D’autres, couchés dans les mauvaises herbes,
Plus fragiles , ont péri sous les orages.
Leur blondeur assassinée nourrira
Les souris et les oiseaux du bocage.
C’est l’été, sur un banc je prends mon repas
Au grand air d’un village ou sur la plage,
Et la miette est guettée qui tombera.
Je vois les moineaux vifs s’en emparer
Puis voler vers les gazons et les arbres
Derrière moi l’église, son clocher,
Son cimetière et ses marches de marbres.
Je m’en irai, il n’aura pas sonné,
Et je prendrai la route qui se cabre,
Elle m’emmènera je ne sais où,
Tout en haut de l’intrépide colline
Que je descendrai plus tard comme un fou
Ivre d’air, de soleil et de glycines.
Humant le vent et me moquant de tout.
La belle vie. La vie pleine et divine !