Une soiré au Sénat
Par une belle soirée de printemps
Au Sénat une assemblée de poètes,
Tous amoureux des mots doux ou flambants
Qui disent l’amitié, les peurs muettes
Les peines et les espoirs pénétrants,
Attendant heureux devant leur assiette,
Ecoutait le discours la remerciant
Au nom du Lions Club de Gif sur Yvette.
Moi, j’étais dans le Salon Pourpre assis
A la table de Charles Baudelaire,
Très haut parrainage qui glorifie
Peut-être un peu trop ; gloire passagère
Qui sert d’aiguillon comme les amies
Fontaine qui pourtant nous désaltère,
Fantôme qui glisse et luit dans la nuit
Comme sur l’eau, le soir, les éphémères.
Hugo, Verlaine, Eluard, Apollinaire
Par quelques grands spirites appelés,
Régnaient à d’autres tables en trouvères
Venus du Parnasse par amitié.
Un magicien poète à sa manière
Manipulait habilement papiers
Bagues, boites, anneaux avec mystère
Qui disparaissaient, devenaient billets.
Les mets et les vins étaient succulents
Nos narines respiraient leurs arômes,
Nous bavardions et nous étions contents
Puis les lauréats eurent leur diplôme
En recevant forts applaudissements.
Certains appelés, tant femme que homme
Lurent alors leurs beaux vers émouvants
Distillant sur nos cœurs leur léger baume.
Nous en étions au dessert quand survint
Un magicien qui était mentaliste
Et prétendait deviner dans l’écrin
De notre esprit comme un vrai kabbaliste
Dans plusieurs livres qu’ils tenaient en main.
Il nous étonna fort en vrai artiste,
Trouvant par quelque prodige malin
Tous les secrets dont il suivait la piste.
A la fin on tira la tombola.
Il était dit que j’étais en fortune
Car le sort sur mon numéro tomba
J’y gagnais une bague couleur de lune
Dont aussitôt Aude me plaisanta :
«Eh ! te voilà marié, c’est ton alliance.»
«A la poésie de longtemps déjà »
Dis-je, «elle connait toutes mes stances.»