Et sa bouche réclame...

L’Homme affamé, sur ses routes empoisonnées
S’enfonce, perdu et hagard comme un junkie
Et sa bouche réclame à la Terre droguée
De sa chimie, percée par ses machines, la vie
Qu’il lui enlève depuis deux siècles déjà.
Et dans ce labyrinthe impossible construit
Par lui- même où il entend aujourd’hui le glas
Et dont il ne sait sortir, hélas, il poursuit,
Fuite en avant, ses anciens rêves de puissance.
Il n’a pas su aimer la forêt et l’azur
Sous lesquels il était né et son arrogance,
Lui a fait croire qu’en s’enfouissant sous les murs,
Il pourrait s’en passer et le voilà qui crie
Lorsqu’il la voit brûler sous un ciel noir de cendres ;
Mais c’est son voisin qu’il accuse d’infamie
Puisque le crime il ne le voit jamais s’épandre
Depuis son œil sur le monde. Riche mais fou,
L’esprit plein de domination, c’est toujours l’Autre
L’abomination et nul besoin de dieux jaloux
Pour construire les enfers dont il est l’apôtre.
Voilà qu’il voit dans l’espace un champ de bataille
Plutôt que les étoiles que toujours il vit.
Il y veut mettre ses armes. Les voix s’éraillent
Des poètes qui en vain réclament des amis
Au lieu des ennemis, la paix et non la guerre.
Comme si ces balcons barbelés qu’il rêve
D’installer dans la froide et vide mésosphère
Pouvaient le protéger des nauséeuses sèves
Et affres répandus par son âme ingénieuse
Mais à lui-même totalement mystérieuse.
Ayant oublié l’enseignement socratique
Privé du fil d’Ariane il court au Minotaure,
Vers sa nuit et sa mort plutôt que son aurore,
S’il n’emprunte du monde les chemins magiques.
