Le méchant coq
Curieuse mémoire qui oublie tant de choses
Qu’il faut qu’un frère, un ami nous les rappellent.
Et alors que chez nous, le souvenir plus qu’en pause
Semble avoir été effacé de la cervelle
Chez eux il est toujours vivace, actif, présent.
Ainsi l’autre jour, je ne sais comment cela
Est venu dans notre conversation, mon frère
M’a soudain appris qu’une fois il me sauva
Du bec et des ergots d’un grand coq en colère.
Je l’écoutais sans que cela éveille en moi
Le moindre écho émotif. Silencieux neurones,
Synapses inactifs et hypothalamus coi.
J’étais tout jeune et très petit sans doute à l’aune
De ce coq qui m’avait attaqué violemment.
C’était aux Supplantures chez nos grands-parents
J’avais dû suivre grand-mère en la basse-cour
Et courir gauchement après quelques poulettes,
Agaçant et froissant ce maître rempli d’amour
Pour ses poules. Aussi haussant sa belle crête
L’animal, yeux rouges et les ailes furieuses
Se jeta sur le frêle ennemi que j’étais.
Il croyait surement en une fin heureuse
Pour lui de cette bataille qu’il engageait
Sauf qu’alerter par mes cris un puissant renfort
Fraternel vint à mon secours, chassant la bête
Qui, hélas, avait trouvé quelqu’un de plus fort.
Mal lui en avait pris qu’il paya de sa tête
Car quelques jours après, saigné, plumé, rôti,
Le méchant coq a satisfait nos appétits.