Ô Méditerranée blessée
Ô Méditerranée blessée, heureusement
Quelques bateaux humanitaires sur toi voguent
Au secours de ceux qui fuient des cieux peu cléments
Estropiés des guerres, famines et misères,
Esquifs d’espoir bercés des vagues meurtrières.
Ailleurs le feu brûle la forêt des pirogues
Et s’enflamment les arbres de la froide toundra
Et le cyclone, vent mêlé d’eau et de peur,
Ravageant les côtes bahaméennes, abat
Arbres et maisons, semant panique et horreur.
Voilà la Terre d’aujourd’hui. Que sera-t ‘elle
Demain quand la chimie aura tué tous les sols,
Sali les eaux et des abeilles brisé les ailes ?
Qu’aurions-nous à manger, à boire dans nos bols,
En dehors la soupe insipide et transgénique,
Si quelques agriculteurs cessant de meurtrir
La pauvre terre avec cette sauce chimique
Assassine des lombrics, sensibles aux soupirs
Des arbres, des animaux que nous écoutons
Si peu aujourd’hui, pris dans les rets numériques,
Hertziens où s’assomme chaque jour notre raison,
N’avaient offert l’humble respect écologique
De leur travail, soucieux, habile, diligent ?
Beau champ celui où les coquelicots charmants
Lèvent leurs voiles rouges dans l’or des épis
Et promettent saines récoltes, bons pains.
Nos cœurs s’émeuvent à ce spectacle, répit
Dans nos vies furieuses, baume sur nos chagrins.
Et pourtant les aimons-nous vraiment ces soigneurs
De la Nature, ses infirmiers dépollueurs ,
Hommes et femmes qui, tissant de leur courage
Une autre vie, s’habillent de bleu et d’orages ?
Et ceux qui détissent les filets de la mort,
Tirant du linceul des eaux où, l’été, se baignent
Nos fatigues, les naufragés dont les cœurs saignent
Des frères et sœurs perdus sans toucher port,
Pourquoi craignons nous qu’ils abordent nos rivages ?
Laisser s’évaporer au large leur mince espoir
Est-ce d’une infirmité d’âme le présage ?
Européens, avons-nous mis nos cœurs au saloir ?