Au bois de Vincennes le printemps est déjà là
Oh ! le printemps a touché le bois de Vincennes
Et les rives du lac Daumesnil et ses îles.
Mille fleurs blanches frêles comme un fil de laine
Habillent les branches d'une étoffe fragile.
Les grands arbres continuent de griffer le ciel
Où le coton des nuages vient s'accrocher.
Est-ce donc l'hiver qui fuit emportant ses fiels
Ou ruse du soleil avant de se cacher ?
Sur le sol entre herbes et feuilles brunies
Toutes sortes de fleurs éclosent en quelques jours
Parent la terre de splendides draperies,
Cœurs étoilés ou rougissants, appel d'amour
Et vie surmontant l'hiver, l'automne et la mort,
Coroles où l'on vient humer de nouveaux rêves
Qui plus tard dans le soir, quand le soleil s'endort,
Raviveront en nous cette montée des sèves.
Le saule pleureur, lui aussi, semble plus gai
En trempant dans le lac sa jaune chevelure,
Il s'y penche et malgré qu'il ait l'air d'un balai
Il s'y voit beau, ne craignant plus les engelures.
De leur côté, les oies cancanent à tout va
Et leurs trompettes vibrent dans l'air et s'appellent.
Tandis que les ombres s'allongent, je m'en vais
A petit pas chercher la joyeuse étincelle
De soleil qui du lac allume les eaux
Qu'un colvert contemple perché sur une souche.
Une lumière dorée brille dans son dos
Mais devant lui, les eaux paraissent noires et louches.
Je rentre dans l'ombre de la grotte où jaillit
Des plafonds sombres, le mince faisceau de l'onde
Qui baigne la paroi nacrée et la polit.
Lieu intime et beau pour se cacher du monde.
Dehors une pluie d'or ceint le tronc des arbustes
On dirait Jupiter séduisant Danaé
Ce n'est que le doux printemps étreignant leur buste
Près du miroir du lac où l'azur s'est baigné.