La course de chars
Ce matin-là vers dix heures, Rome était en pleine activité, les coiffeurs étaient remplis, tout le monde voulant se faire beau pour la course de chars la plus extraordinaire que le monde romain ai connue qui devait se courir en fin d’après-midi. Et chez ces coiffeurs, hommes et matrones parlaient de la course, cela donnait le temps aux barbes et aux cheveux de pousser. La même ambiance régnait dans les tavernes où les discussions étaient animées : les uns parlaient de leur aurige préféré et de la somme qu’ils pourrait bien parier sur lui, les autres décrivaient la course telle qu’ils pensaient qu’elle allait se dérouler. Certains moins avertis que les autres demandaient le non des auriges et sous quelle couleur ils courraient, et si on avait pu entrer dans une de ces riches domus du Palatin, on aurait découvert à peu près la même chose. Entre midi et deux heures on ne vit plus personne dans les rues, dans les auberges et chez les coiffeurs, chacun étant rentré chez-soi pour déjeuner. Mais après deux heures les rues se remplirent à nouveau pour se vider aussitôt au profit des thermes jusqu’à quatre heure ; heure où commençait le cortège.
Le Consul venait en premier, monté sur un char tiré par deux belles juments noires, venaient ensuite les auriges sur des chars tirés par quatre chevaux à la fois puissants et élégants, puis venaient les plus hauts magistrats de Rome, vêtus de la toge blanche bordée d’un galon rouge telle que la porte tous les magistrats, les moins importants suivant les plus prestigieux. Enfin, terminant le défilé, venaient les nobles qui se faisaient véhiculer dans des chaises à porteur. Sur tout le chemin que suivait Flaminius, le peuple amassé l’acclamait par des «Vive Flaminius ! » en lui lançant des mouchoirs blancs que le Consul avait fait distribuer quelques instant plus tôt. Arrivé au Cirque Maximus, le cortège se disloqua quand les auriges rompirent et entrèrent dans le Cirque par une porte qui leur était réservée. Le Consul et sa suite attendirent que le reste du peuple soit passé pour entrer à leur tour. Quant ils eurent pris place dans leur loge, un tonnerre d’applaudissement éclata. Puis un silence religieux se fit et tous les yeux se tournèrent ensemble, dans un même mouvement des têtes, vers le même point du cirque, attendant longtemps avant que, sortant de derrière le portique, les auriges aux tuniques de couleurs variées servant à les reconnaitre, viennent s’arrêter sur la ligne de départ, soufflent quelques instants et repartent d’une allure lente et régulière, fassent un tour puis en entament un autre pour venir se placer sous la loge du Consul qui les salua. Sur quoi ils terminèrent le tour qu’ils avaient commencé et revinrent se placer sur la ligne de départ, restant immobiles cinq bonnes minutes.
Voilà quelles étaient leur positions de gauche à droite, c’est-à-dire depuis la spina centrale jusqu’au début des gradins. : Claudius, Tullius, Tibère et Craton. Les plus célèbre était Tibère et Craton. Tibère était encore un homme jeune, d’une trentaine d’année, à l’esprit vif et à l’œil sûr, pourvu d’un corps robuste et agile. Ses petits yeux, étaient bleus, profondément enfoncés dans ses orbites et en partie masqués par d’épais sourcils. C’était le seul concurrents qui pouvait se mesurer à Craton. Ce dernier possédait la même rapidité d’esprit que Tibère mais son corps semblait chétif par comparaison, ses yeux noirs ordinairement étaient ternes, paraissant ne s’accrocher à rien, il avait un visage émacié et long qui le faisait paraître plus mince encore. Mais grimpé sur son char, c’était un seigneur et ses yeux s’animaient de furie. Il ne pensait plus qu’à la victoire.
Les cinq minutes étaient passées, tous les yeux maintenant regardaient vers la loge du Consul Flaminius qui devait, pour ordonner le départ, jeter une étoffe blanche. Les tribunes étaient impatientes et anxieuses. Les auriges sur la piste contenaient difficilement leur attelage, les chevaux nerveux soufflaient. Soudain, l’étoffe blanche tomba, d’un seul et même élan les quadriges sautèrent et partirent emportés par le galop des puissants chevaux, le sable vola, les statues ornant la spina défilèrent., un demi-tour était déjà couvert et les auriges abordaient le virage si difficile et dangereux où tant de victoires s’étaient fracassées, causant la mort de plus d’un aurige. Tullius avait pris la tête, suivi de Craton et Tibère, les deux favoris de l’épreuve. Le quatuor passa ce premier virage sans accroc et attaqua le deuxième demi-tour. Déjà sur les gradins en bois, les gens s’agitaient, juraient, rentraient dans des colères sans fin, certains craignant de perdre l’argent misé, des sommes parfois énormes par rapport à leur salaires ou leurs avoirs trépignaient de rage en ne voyant pas leur aurige en tête, ils pouvaient en venir aux mains, d’autres restaient imperturbables. Mais surtout, beaucoup étaient mécontents qu’aucun n’accrochage ne se soit produit dès ce premier tour et attendait avec impatience le moment où cela arriverait. Cela n’allait pas tarder. Le deuxième tour était déjà entamé et les quatre quadriges s’approchait du virage. Tullius menait toujours la course mais Craton et Tibère le serraient toujours plus près. Inquiet il refusait pourtant de lâcher la corde et de ralentir. Juste au moment du virage, Craton donna un coup de fouet à ses chevaux noirs, obligeant les chevaux alezans de Tullius à s’approcher trop près de la borne, une roue du char heurta celle-ci, le char vola et le malheureux aurige alla se fracasser contre la Spina et s’écroula inerte sur le sol et encore tiré par le char où il était attaché. Les gradins hurlèrent qui d’horreur, qui de joie mauvaise, on vit les femmes pleurer et même des hommes mais la course ne s’interrompit pas. Tout juste des soldats vinrent chercher le corps sans vie de Tullius, calmer les chevaux qui erraient encombrés du char détruit sur la piste et les mener à l’extérieur. Deux nouveaux tours furent couverts sans aucun incident. Le cinquième arrivait, Claudius menait toujours son attelage sagement derrière les deux favoris mais ne voulait pas se faire distancer non plus. La vitesse avec laquelle Craton et Tibère menait leur attelage, obligea Claudius qui maitrisait moins son quadrige à se rapprocher dangereusement de la spina mais son char passa le virage et continua sa course. Claudius dans sa peur rétrospective avait laissé ses chevaux s’emballer, ceux-ci courrait toujours très près de la spina, il n’eut pas le temps de corriger cette trajectoire avant le nouveau virage et cette fois son chars heurta la borne, son chars versa sur le côté. Claudius avait d’un coup de poignard réussi à trancher les rennes qui l’attachait au char. Il roula dans le sable, se releva rapidement et courut vers les gradins. Déjà les soldats venaient chercher ses chevaux et emporter son chars hors de la piste. Déjà Craton et Tibère, ayant fait un tour repassaient devant lui, il baissa le regard pour ne pas montrer qu’il pleurait. Les deux hommes côte à côte, se jetaient de temps en temps des regards remplis de haine, leurs chars étaient près de se toucher, Tibère ralentit pour éviter le roue de son adversaire. Dans les gradins et les loges la tension était aussi à son comble, Chacun respirait bruyamment ou avec peine, chacun regardait admiratifs ces deux hommes qui surmontaient les dangers et qui ne semblait pas s’être aperçus de la disparition de leur concurrents. Un des spectateurs cria soudain : « Ils sont sublimes ». Et c’est vrai que leur adresse à manier les attelages, la fougue avec laquelle il le faisait, leur dextérité à prendre les virages sans presque ralentir leurs chars bondissants et volants étaient sublimes, étonnant toute l’assistance. Une course vraiment extraordinaire qui arrivait à son septième tour et des traces de fatigue commençaient à s’apercevoir sur les chevaux qui haletaient, leurs robes humides de sueur vaporisaient une légère brume. Chez les deux hommes, qui redoublaient d’ardeur à faire avancer leur chevaux, aucune trace de fatigue ne se décelait, aucun symptôme, mais c’était ruse et tromperie envers l’adversaire. A l’instant d’aborder le huitième et dernier tour, Craton qui avait réussi à prendre la corde se tourna vers son adversaire et ses yeux rencontrèrent ceux à moitié cachés de Tibère dont le regard froid le pénétra et semblait dire « Ce sera toi ou moi », lui pensait « Ce sera moi ». et il donna un coup de fouet vigoureux à ses chevaux qui malgré leur fatigues bondirent en hennissant. Tibère en fit de même. Leurs chars sauvages qui volaient furieux dans la poussières les auraient éjectés sur le sol si des lanières ne les retenaient attachés. Craton vira en tête et précipita ses chevaux vers l’arrivée. Il avait pris de l’avance et entrevoyait la victoire quand au pris d’un effort violent Tibère réussi à revenir sur lui. Il lui manqua seulement une roue de char pour venir coiffer Craton sur la ligne. S’il avait perdu Craton se serait sans doute jeter à la gorge de son adversaire mais là son visage rayonna de joie pour cette courte victoire longtemps indécise. Il avait eu chaud, Tibère était vraiment devenu un adversaire coriace. Il alla le féliciter. Dans les gradins et les loges c’étaient des exclamations de joie et des cris de colère de ceux qui avaient parié sur Tibère. On se congratulaient, on s’invectivaient. Il y avait tant de bruits que si un coup de tonnerre avait retentit personne ne l’aurait entendu.
On détela l’attelage du vainqueur, puis Craton lui-même pris par la bride son cheval de gauche qui l’avait conduit à la victoire et le conduisit après l’avoir embrassé d’abord devant le Consul et le força à s’agenouiller devant la loge. Le Consul avait parié gros sur Tibère, un signe de son pouce scella le sort du cheval. Une clameur réprobatrice monta des gradins. Craton sans rien montrer de sa peine conduisit son cheval aux prêtres de Jupiter Capitolin et tint, lui-même, à enfoncer l’épée sacrificielle dans le garrot de son bien aimé cheval, après quoi la dépouille de l’équidé fut brulée et psalmodiée par les prêtres sur un autel-bûcher pour que les effluves de ce triste rôti montent vers les narines du Dieu. Lui seul devait être le vainqueur.
Ce récit est issu d'une rédaction que j'ai écrite en 5ème alors que je venais d'avoir 14 ans. C'était un devoir à faire chez soi. Voilà quel en était le sujet :
Dans le cadre de la vie romaine (activités quotidiennes ou batailles-politiques, jeux, etc.) faites après vous être sérieusement documenté, le récit d'une aventure vécue par un ou deux personnages de votre invention.
Il va sans dire que bien que j'ai eu 17/20 pour ce devoir de français j'y ai apporté quelques modifications, déjà sur l'orthographe qui était très moyenne à l'époque et aussi sur le style. Mes tournures de phrases étaient un peu répétitives et manquaient parfois de rythme. Pour tout dire c'était un peu sec et la couleur d'époque quoique présente était un peu maigre. Je crois que c'était bien noté mais que le prof avait noté plus la recherche de documentation, l'organisation et la cohérence du récit que le style et l'orthographe.