Désirs de sommeil
Dans la nuit tel Henri IV sur son cheval
L'usine balance son beau panache blanc ;
Un noir et profond silence règne, automnal ;
Les rues sont vides et le jardin somnolant
Exhale déjà des rêves qu’illumine le fanal
Des hautes fleurs des lampadaires baissant
Leurs corolles au bout des tiges de métal.
Dans ce calme rempli de fraîcheur je m’arrête
Un instant et vois ces cloches d’ombre ourler
De roux et d’or l’ombre échevelée de la tête
Des grands arbres cherchant au ciel leurs oreillers
Et, s’endormant dans le souvenir des tempêtes
Qui chaque an arrachent leurs feuilles par poignées,
Oublient la ville où les sommeils humains s’apprêtent.
Aux fenêtres quelques lampes font résistance
Là, une télé diffuse sa lueur bleue,
Ailleurs fuse, derrière un rideau, la lance
D’une lampe allumée, faible raie dont le feu
Eclaire à peine l’ombre autour d’elle et panse
Quelque blessure oubliée d’un cœur malheureux
Qui sans sommeil pleure de l’amour ses fragrances.
Je ferme les volets sur ses vies étrangères
Et rentre dans l’espace onirique et fermé
De la chambre où mes livres sur les étagères
Ferment leurs paupières, je les laisse rêver
Aux voyages qu’ils portent, et aux fins dernières
Que sages et prêtres ont vainement cherchées,
Je tombe de sommeil et cherche ma litière.