Pour fêter une enfance
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Palmes...!
Alors on te baignait dans l'eau-de-feuilles-vertes;
et l'eau encore était du soleil vert; et les servantes de ta mère, grandes
filles luisantes, remuaient leurs jambes chaudes près de toi qui tremblait...
(Je parle d'une haute condition, alors, entre les robes, au règne de
troublantes clartés.)
Palmes ! et la douceur
d'une vieillesse des racines...! La terre
alors souhaite d'être plus sourde, et le ciel plus profond où des arbres
trop grands, las d'un obscur dessein, nouaient un pacte inextricable...
(J'ai fait un songe, dans l'estime : un sûr séjour entre les toiles
enthousiastes.)
Et les hautes
racines courbes célébraient
l'en allée des voies prodigieuses, l'invention
des voiles et des nefs ;
et la lumière alors, en de plus purs exploits féconde, inaugurait le blanc
royaume où j'ai mené peut être un corps sans ombre...
(Je parle d'une haute condition, jadis, entre les hommes et leurs filles,
et qui mâchaient de telles feuilles.)
Alors les hommes avaient
une bouche plus grave, les femmes avaient des bras plus lents ;
alors de se nourrir comme nous de racines, de grandes bêtes
taciturnes s'ennoblissaient ;
et plus longues sur plus d'ombre se levaient les paupières...
(J'ai fait ce songe, il nous a consumés sans relique.)
Saint-John Perse
In Eloges (NRF)