Remonter les rivières du temps
Suivre les rivières du temps jusqu’à l’amont
Du rêve et de l’amour, jusqu’aux sources vivantes
Jusqu’au sourire, jusqu’au parfum, jusqu’aux chansons,
Jusqu’aux épaules et, cette douceur flottante
La sentir peu à peu, flux subtil et profond,
Inonder corps, cœur et âme désirante.
Sur la pierre des jours retrouver le bonheur
Des commencements, la timidité muette
Des premiers sentiments, peut-être le meilleur,
Quand en ne les avouant pas on laisse secrète
La passion qui nous mord lentement le cœur.
Est-ce un amour sérieux ou bien simple bluette ?
L’âme prise dans une attente indécise,
S‘occupant plus de ce chamboulement vainqueur
Que de l’être charmant qui au temps des cerises
Remplit et fait bondir déjà si fort le cœur.
Comment faire en ces débuts pleins de sottises
Où le sourire béat essuient les vains pleurs ?
Cet espoir plein d’angoisse où la tête se perd,
Cette chose à la fois terrible et délicieuse
Des tout premiers amours qui nous souffle des vers,
Ce temps où les baisers ont des ailes peureuses
Le retrouver tel un printemps dans cet hiver
Pour y enfouir une peine trop douloureuse.
Dans les frondaisons du passé plonger les yeux
Jusqu’aux ailes miraculeuses de l’enfance,
Phénix renaissant des pleurs en rires joyeux,
Presser de jouer à chat ou à la délivrance,
De courir et sauter dans les squares sableux
Avec les copains en une folle endurance.
Oublieux du temps et de l’heure on s’amusait,
Revenant tard à la maison et tout en nage
Pour s’y faire gronder mais l’orage passait
Et revenant bien vite au bonheur de cet âge
On filait dans la chambre où sage on attendait
L’appel du repas du soir. On était des mages !
Rêvant d’être Tintin, Lucky Luke ou Zorro
Gavroche et Astérix dans la même seconde
En touillant la soupe avec cet air de héros
Qui songe aux aventures qui tournoient et abondent
Puis soudain ce frisson ; « Mange pendant qu’c’est chaud ! »
Et la cuillère surprise cessait sa ronde.
Voilà l’élixir où se guérit ma blessure
En ces parfums retrouvés, ces songes vécus
Où la vie s’invente et les premiers pas s’assurent ;
Où le soleil renait dans l’azur invaincu ;
Dans la fraîcheur des émois et le murmure
Que fait le sang à travers les rêves têtus.