Prix International Arthur Rimbaud 2021 : Remise des Prix (suite)
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Je reviens sur la remise des prix du Concours International Arthur Rimbaud. Comme je vous l'avais dis dans le précédent article, le prix Arthur Rimbaud était partagé entre deux auteurs. Voici donc le deuxième poème et poète ayant reçu ce prix. D'ailleurs il s'agit encore d'une poète, Elisabeth Robin pour un poème qui avait aussi concouru dans la catégorie A et obtenu le 2ème prix.
Leur chemin bleu
Comme le vent qui claque au milieu d'une vie,
Comme le temps suspend l’interminable cri
De la femme isolée, restée seule avec lui,
Lui, l'enfant différent!
Combien de nuits vieillissent au seuil de l'insomnie ?
Combien de jours se passent à chercher des appuis,
À comprendre et savoir comment font les parents,
Ces parents différents !
Mais elle apprend à vivre au-delà des paroles,
À répondre au silence, aux crises qui l'affolent,
Elle apprend à connaître son enfant différent,
Mais bien plus lentement que tout autre parent !
« - attends, attends un peu que je devine
Ce qu'attrapent tes mains lorsque tes bras moulinent,
Ce qu'observent tes yeux perchés sur un nuage,
Ce qu'explore ta tête... dis-moi : quels paysages
Dans ton monde inconnu ? »
Combien de pas errants pour lier leurs deux mondes
Sous les regards qui fuient, n'entrent pas dans la ronde,
La ronde des enfants qui sont si différents !
Des rêves se sont éteints : les chants des farandoles
Ne seront pas pour lui sous les préaux d'écoles,
Mais quelques mots acquis, des images, des symboles,
Des rires qui s'élèvent, des gestes qui cajolent,
Et cet infini bleu dans un battement de cœur !
« -Alors, ne t'en fais pas, je suis là...
Finis les pas pleurés aux couleurs de pourquoi,
Mais des pas mesurés pour suivre cette voie
Ou tu vas cheminant mon enfant, mon amour,
Mon amour différent. »
Elisabeth Robin
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Et maintenant le premier prix de la catégorie A "Thème libre, forme libre" Bizarrement il s'agit d'un poème de forme assez classique qui aurait pu concourir dans la forme classique ou néoclassique. La seule règle qui n'est pas respectée c'est celle de l'alternance des rimes féminines et masculines.
La complainte du vieux platane
rd de l'avenue,
J'ai une grille au pied, une fonte ajourée,
Pour protéger la terre ou je peux m'abreuver
Quand ils lavent à grande eau le trottoir et la rue.
Arrive avec ce flat des déchets, des mégots,
Les déjections des chiens, les crachats des humains
Et sur ma vieille peau on remarque de loin
Les souvenirs cruels des griffes des vélos.
Pourtant, quand au printemps m'enchantent les oiseaux
Qui viennent entre trois branches imaginer leurs nids,
J'aime chérir l'idée de leur servir d'abri
Quand les bourgeons se gonflent au bout de mes rameaux.
Je sais faire de l'ombre ...est-ce ma destinée ?
Regarder souffler d'aise un vieillard fatigué,
Protéger des amants le temps d'un long baiser
En écoutant chanter mes feuilles au vent d'été.
Je rêve de la nuit pour compter les étoiles
Mais quand l'ombre s'allonge on éclaire ma cime,
Je rêve de silence et il est rarissime,
D'un air pur remplaçant les vapeurs de gas-oil.
Je veux voir le soleil mais vos murs sont trap hauts,
Écouter les oiseaux mais vous criez trop fort !
Qui rêve de rivière au bord d'un caniveau.
Jane Marcy
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Un mot sur René Guy Cadou qui avait une table à son nom. Il s'agit d'un poète français né à Sainte-Reine -de-Bretagne (Loire inférieure, aujourd'hui Loire Atlantique) le 15 février 1920 dans l'école où officiaient ses parents, tous deux instituteurs dans l'école publique. La mort de sa mère en 1932 l'affecte profondément et le plonge dans la mélancolie. C'est à cette époque qu'il découvre la poésie par l'intermédiaire de son père qui lui lit ses propres poèmes de jeunesse. Plus tard il entretiendra une correspondance épistolaire avec Max Jacob et Pierre Reverdy qu'il ne rencontrera qu'une seule fois en février 1940 après la mort de son père. Sa poésie est inspirée par son enfance villageoise et campagnarde, puis par la guerre et la vie dans la ville ouvrière (Saint-Nazaire, Nantes). Il fut membre de l'Ecole de Rochefort, un mouvement poétique du 20ème siècle). Il meurt d'un cancer à Louisfert (Loire-Atlantique) le 12 mars 1951.
Quelques poèmes de René Guy Cadou :
C'est bien toi
Je ne t'ai jamais vu
Et je te reconnais
Tu es celui que j'attendais
Prends la lampe
Appuie-toi sur mon bras
Il n'y a pas de rampe
Monte encore plus haut
Tu sais
On n'est jamais trop près du ciel.
Les fusillés de Châteaubriant
Ils sont appuyés contre le ciel
Ils sont une trentaine appuyés contre le ciel
Avec toute la vie derrière eux
Ils sont pleins d'étonnement pour leur épaule
Qui est un monument d'amour
Ils n'ont pas de recommandations à se faire
Parce qu'ils ne se quitteront jamais plus
L'un d'eux pense à un petit village
Où il allait à l'école
Un autre est assis à sa table
Et ses amis tiennent ses mains
Ils ne sont déjà plus du pays dont ils rêvent
Ils sont bien au-dessus de ces hommes
Qui les regardent mourir
Il y a entre eux la différence du martyre
Parce que le vent est passé là ils chantent
Et leur seul regret est que ceux
Qui vont les tuer n'entendent pas
Le bruit énorme des paroles
Ils sont exacts au rendez-vous
Ils sont même en avance sur les autres
Pourtant ils disent qu'ils ne sont pas des apôtres
Et que tout est simple
Et que la mort surtout est une chose simple
Puisque toute liberté se survit.
Paysage de mon amour
Tout entier dans ce village
Dont je défais journellement
Les liens de chanvre et de fumée
Tuiles baignées de tourterelles
Qui chantez sous la main du soir
Écailles des saisons nouvelles
Plaques tournantes de l'espoir
Prairies des peintres du dimanche
Passerelles des bois dormants
Ô bêtes qui remuez les hanches
Dans un long rêve de froment
Et toi rivière sous les saules
Blanche fenêtre caressée
Par une truite et mon épaule
Et tous
Les jours qui sont passés
Je crois en vous en toutes choses
Qui par souci de vérité
Parlent pour moi trouvent réponse
Dans la raison de mon silence.
Pourquoi n'allez-vous pas à
Paris ?
—
Mais l'odeur des lys !
Mais l'odeur des lys !
—
Les rives de la
Seine ont aussi leurs fleuristes
—
Mais pas assez tristes oh ! pas assez tristes !
Je suis malade du vert des feuilles et de chevaux
De servantes bousculées dans les remises du château
—
Mais les rues de
Paris ont aussi leurs servantes
—
Que le diable tente ! que le diable tente !
Mais moi seul dans la grande nuit mouillée
L'odeur des lys et la campagne agenouillée
Cette amère montée du sol qui m'environne
Le désespoir et le bonheur de ne plaire à personne
—
Tu périras d'oubli et dévoré d'orgueil
—
Oui mais l'odeur des lys la liberté des feuilles !