Ici je dépose la rose...
(À Fernand et Marie-Louise Geslin)
Tant de tombes meurtries par les jours
En ce petit cimetière normand.
En vain mes pas ont foulé ses allées caillouteuses.
Toutes pierres ici taisaient vos noms.
Moi, peut-être le dernier vivant à vous chercher,
J’avais trop attendu depuis ma dernière visite,
Plus rien ici ne parlait de vous, morts lointains.
Ai-je marché sur les débris de votre tombe ?
Sans le savoir, creusant mes souvenirs,
Me suis-je arrêté un instant où vous reposez
Tous les deux dans le silence et l’oubli ?
J’ai eu beau regarder la terre, scruter toutes les tombes,
Me tordre la cheville dans les trous que fomente le temps,
Aucun mort ici semblait se rappeler de vous.
Pauvre pépé, pauvre mémé, j’ai dû pousser et refermer
La petite porte en fer sans vous avoir trouvés.
Mon vélo attendait sagement posé contre le muret,
Le ciel immense feutré de gris, les blés coupés,
Les églises aux toits gris et pointus,
Les villages endormis,
Les bois et les forêts aux lisières fleuries
M’appelaient, bien vivants.
Ici je dépose la rose que je n'ai pu
Mettre sur votre tombe disparue.