Et les travailleurs devraient leur dire merci
Elle est là dans la rue, seule, entourée de gens
Qui parlent ente eux et rient près d’un bar sans la voir.
C’est Paris, l’hiver et le froid ; en désespoir,
Sa maigre retraite épuisée, privée d’argent,
En cette fin de mois et ce début de soir,
Elle est descendue là quémander aux passants
Quelques aumônes qui rempliront son tiroir
Du pain et du jambon de son triste présent.
Etouffant sa honte, elle se tient contre le mur
Bien droite, aux aguets des piétons qui passent
Cherchant à repérer parmi tous les visages
Celui du généreux, mais son œil n’es pas sûr
Et se trompe souvent, et son vieux cœur se lasse :
Son dîner sera-t-il ce crouton de pain dur
Qu’elle a gardé au cas où la faim la terrasse ?
Elle reprend courage en regardant l’azur.
Et le bonheur soudain arrive sous la forme
D’un euro et un billet dans sa main tendue
Oh ! tout cela ne fait pas une somme énorme
Mais presque inespérée et très inattendue.
La faim s’en ira qui empêche qu’on s’endorme
Et cette nuit elle rêvera sous les ormes
À sa jeunesse et ses amourettes perdues,
A la douce saveur dans sa bouche des cormes.
Voilà donc la vie que cette société riche
Donne à certains de ses vieux quand ils ont bien servi
On les jette à la rue et on s’en contrefiche,
Vieille chair dont on veut encor tirer profit
Dans notre démocratie retournée en friche.
La retraite plus tard, des pensions à taux réduit
Voilà la solution que le pouvoir affiche.
Et les travailleurs devraient leur dire merci.