Melancholia
Dans les jardins les perruches criardes
Ont remplacé les moineaux sautillants
Leurs éclairs verts fulgurent dans les arbres
Dont elles grignotent les fruits brillants
Qu’elles laisseront tomber dans les allées.
J’ai voulu goûter ces pommes amères
Qui ne sont pas faîtes pour nos palais
Et qui lentement pourriront à terre ;
Elles si jolies et rouges l’hiver
Quand elles pendent au bout de leurs branches
Ont l’air si vilaines quand nos souliers,
Les écrasant, rendent leur chair pas franche,
Quand le ciel est gris et la terre humide
Enrobant l’âme de mélancolie,
Et qu’on repense aux évincés, au vide
Qu’ils ont laissé partout dans cette vie.
Ailleurs dans la ville d’autres fruits tombés
Sur le trottoir puent resservant l’horrible
Venant imbiber chaque jour nos cœurs
Du désespoir tragique des Atrides.
En sommes-nous les héritiers maudits
Condamnés au meurtre, au viol, à l’inceste ?
Qui nous sortira de cette Orestie ?
Pourrons-nous écrire un neuf palimpseste ?