Fiche de lecture : "Anéantir" de Michel Houellebecq
Je viens de terminer le dernier roman de Houellebecq « Anéantir » publier chez Flammarion en 2022. C’est un long pavé de 729 pages pour être précis. Il est construit en 7 parties plus ou moins longues et comportant plu ou moins de chapitres assez courts, eux-mêmes divisés en paragraphes ce qui facilite les interruptions de lecture. Ce point est assez agréable. Il n’y a pour titres que des nombres écrits en toutes lettres pour les parties et en chiffres pour les chapitres.
Le titre « Anéantir » annonce la couleur et dès la première phrase on est plongée dans l’ambiance Houellebecquienne habituelle et dépressive : « Certains lundis de la toute fin de novembre, ou du début de décembre, surtout lorsqu’on est célibataire, on a la sensation d’être dans le couloir de la mort. » On est prévenu, on ne va pas rigoler dans ce bouquin.
Cela commence à la DGSI avec un personnage, Bastien Doutremont, chargé de décrypter des messages internet inquiétants. Qui comportent à la fois des figures géométriques et un texte écrit avec des caractères inconnus. Le labo a réussi à déterminer qu’il y avait 53 caractères de nature alphabétiques qui pouvaient correspondre au 26 lettres de l’alphabet en y ajoutant les lettres spéciales accentuées, ligaturées ou cédillées + les signes de ponctuation. Malheureusement cela n’était pas suffisant et cela faisait des semaines qu’ils échouaient à les décrypter. Il y a aussi des vidéos qui accompagnent ces messages encore plus inquiétantes. Qui visent notamment le ministre des finances de la France, nommé Bruno Juge dans le roman. On est vers la fin du 2ème quinquennat de Macron qui n’est pas nommé comme tel mais simplement désigné par son titre « le Président qui prépare sa succession en choisissant son candidat, un peu comme une savonnette. Ce qui est important c’est qu’il soit un bon communiquant, qu’il passe bien dans les médias. Qu’il ait des idées, un programme on s’en fout , de toute façons des agences de com le brieferont et lui en fourniront des prémâchées et puis sur les questions vraiment techniques c’est le ministre des finance Bruno Juge qui interviendra. La France, grâce à son action, a redressé ses comptes et est bien redevenue la cinquième puissance du monde On a là deux des thèmes du roman, des anticipations malheureusement peu réalistes et crédibles qui ne sont donc pas les plus intéressantes. Le personnage principal, c’est Paul Raison un conseiller-confident presque ami de Bruno Juge. Au début du roman, il a des problèmes de couple, il vivent lui et sa femme dans leur appartement qu’ils ont acheté à crédit mais chacun dans leur espace presque sans se parler. Ils n’ont pas d’enfant mais ils ont chacun une famille mais c’est surtout de celle de Paul dont il va être question et de l’évolution de leur couple ainsi que de santé donc le thème principal c’est celui de la maladie et de la mort considérer comme un anéantissement. C’est vraiment la partie la plus intéressante du livre. Il y a aussi la relation entre les hommes et les femmes. Les différentes femmes sont les personnages forts du roman mais pas féministes et pas « woke » du tout, elles jouent un rôle parfois secondaire mais essentiel dans chacun des thèmes sauf celui du terrorisme. Donc sans cette intrigue politique et terroriste un peu vaseuse le roman pouvait tenir la route. Mais disons que cela met un peu de piment et vient délasser des embrouilles familiales et de couples.
Tous les personnages sont des CSP+ bien installés dans la société mais pas toujours dans leurs pompes et leur vie privée sauf quelques personnages plus ou moins secondaires dans le personnel des hôpitaux ou EPHAD fréquentés par la famille Raison, le père d’abord victime d’un AVC et ancien de la DGSI puis Paul qui apprend qu'il est atteint d'un cancer. Ce sont des gens de droite et droite catho traditionnaliste. Le seul qui peut apparaître comme de gauche c’est le médecin qui dirige l’EVC-EPR où est admis le père Edouard Raison après son AVC et ensuite la déléguée CGT de l’EHPAD conjoint mais comme elle fout le bordel jusque dans l’intimité de la famille, elle n’est pas trop bien vue par Paul, c’est une chieuse égalitariste qui trouve que l’EVC-EPR a des meilleurs conditions de travail que l’EHPAD et déclenche un mouvement qui aura de grosses répercussions sur la famille. Tout est plus ou moins vu à travers les yeux de Paul Raison qui rêve beaucoup. Des rêves assez bien construits, c’est-à-dire étranges comme le sont les rêves.
Ce qui est étonnant c’est qu’alors qu’il est beaucoup question d’amour physique et de sexualité, il n’y a aucun érotisme dans la manière d’écrire de Houellebecq. En exagérant un peu cela ressemble assez à un rapport clinique ou un constat d’huissier. Cela serait sans doute plus érotique si c'était filmé.