Histoire de Lynx de Claude Lévi-Strauss, impressions et commentaires de lecture (3)
Dans la suite du livre toute une forêt de mythes ou de fragments viennent enrichir le réseau en traitant aussi bien de l’inceste, l’endogamie et l’exogamie que de la gémellité sur laquelle Lévi-Strauss s’attarde durant tout un chapitre très intéressant, reliant les jumeaux aux saumons, aux loups et aux ours suivant les croyances des différentes tribus ou nations indiennes. Il comparent aussi les jumeaux amérindiens aux jumeaux occidentaux en remarquant que la gémellité vraie est considérée impossible dans le corpus mythologique amérindiens alors qu’elle est envisagé dans celui de l’occident. C’est notamment le cas de Castor et Pollux et d’autres jumeaux des mythes indo-européens. En fait l’Occident privilégierait les solutions extrêmes : soit ils sont antithétiques, soit ils sont identiques alors que le monde amérindien préfèrerait des formes intermédiaires. Ce thème de la gémellité revient en permanence dans le livre et on en trouve la trace dans presque tous les mythes étudiés. Ce sont les mythes des Voleuses de dentales, celui des Chèvres des montagnes ou des Mouflonnes, les correspondances et oppositions parures-nourritures, parures-blessures, le mythe du Hibou ravisseur d’enfants, les comparaisons avec les mythes sud-américains notamment les mythes Tupi, Gè, Bororo. Ce foisonnement rend parfois la lecture difficile. Dans le même temps je souhaitais souvent pourvoir lire une version plus complète et moins cloisonnée par les nécessité de l’analyse avec l’impression, probablement erronée, que l’auteur prenait des mythes que ce qui étayait son propos. Il faut aussi noter que ces mythes et une très grande partie du matériau ethnographiques ont été récolé au cours d 19ème siècle et le début du 20ème siècle à une période où ses sociétés amérindiennes avaient déjà été fortement bouleversées. Lévi-Strauss est parfaitement conscient de cela comme des barrières linguistiques entre les « informateurs » et les ethnographes. Malgré cela et grâce à quelques relations et transcriptions plus anciennes datant du début de la découverte ou très proche de celle-ci, il perçoit une très grande stabilité dans le temps des mythes.
Plus loin dans le livre il montre comment les amérindiens avaient intégrés à leur mythes des contes et légendes franco-canadiens. Pour l’auteur la place des Blancs ou des Non-indiens était en quelque sorte inscrite en creux dans leur mythologie, d’où le fait qu’ils les ont accueillis d’abord très favorablement. Il y a donc à la fois une grande stabilité dans le temps et dans l’espace ce que montre la grande parenté entre les mythes de l’Amérique du Sud et celle du Nord et une perméabilité à des apports extérieurs. Cela serait le résultat de leur système de pensées dichotomique et leur idéologie « bipartite ».