Le Tréport, Mers-les-bains, Eu (suite 4)

Publié le par Pi_ro_94

Eglise du Tréport et l'hôtel de Calais Vue depuis la jetée de l'autre côté de la ville

Après la visite d’Eu retour au Tréport et vers mon hôtel. Hôtel qui s'enorgueuillit de quelques actions historiques et d'un client mondialement célèbre.

Solidarité au dégut de la seconde guerre mondiale

 

Victor Hugo
Victor Hugo et le Tréport

Voici ces Lettres

La lettre à Louis Boulanger depuis Le Tréport le 06 août 1835 :

 

«Je suis au bord de la mer, Louis, et c'est une grande chose qui me fait toujours penser à vous. D'ailleurs, vous savez bien que nous sommes deux frères.

Je voudrais que vous fussiez ici, d'abord parce que vous seriez près de moi, ensuite parce que vous seriez près de la mer. Nous autres, nous avons quelque chose de sym­pathique avec la mer. Cela remue en nous des abîmes de poésie. En se promenant sur une falaise, on sent qu'il y a des océans sous le crâne comme sous le ciel.

Je suis arrivé hier soir. En arri­vant, j'ai visité l'église, qui est com­me sur le toit du village. On y mon­te par un escalier. Rien de plus char­mant que cette église qui se dresse pour se faire voir de loin aux mate­lots en mer et pour leur dire : je suis là. J'aime bien un matelot dans une église (il y en avait un dans l'église du Tréport). On sent que ces hommes, sur qui pèse toujours la mer, viennent chercher là le seul contrepoids possible. De tristes cho­ses au bord de l'océan qu'une char­te et une chambre des députés !

Eh bien ! J'ai senti que l'art res­tait grand ! Voyez-vous, il n'y a que cela, Dieu qui se reflète dans la nature, la nature qui se reflète dans 1'art.

A la nuit tombante, je suis allé me promener au bord de la mer. La lune se levait; la marée montait; des chasse-marée et des bateaux pêcheurs sortaient l'un après l'autre en ondulant de l'étroit gou­lot du Tréport. Une grande brume grise couvrait le fond de la mer où les voiles s'enfonçaient en se simpli­fiant. A mes pieds, l'océan avançait pas à pas. Les lames venaient se poser les unes sur les autres com­me les ardoises d'un toit qu'on bâtit. Il faisait grand vent; tout l'horizon était rempli d'un vaste tremblement de flaques vertes ; sur tout cela un râle affreux et un aspect sombre, et les larges mousse­lines de l'écume se déchirant aux cailloux; c'était vraiment beau et monstrueux. La mer était désespé­rée; la lune était sinistre. Il y avait quelque chose d'étrange à voir cet­te immense chimère mystérieuse aux mille écailles monter avec dou­leur vers cette froide face de cada­vre qui l'attire du regard à travers quatre-vingt-dix mille lieues, com­me le serpent attire l'oiseau. Qu'est-ce donc que cette fascina­tion où l'océan joue le rôle de l'oiseau?

Hier, en quelques heures, j'ai vu la mer sous trois aspects bien diffé­rents. La première fois, il était deux heures de l'après-midi, c'était entre Abbeville et Valines à ma droite. La mer était loin, c'était comme un banc de brume posé sur la ligne extrême de l'horizon. La seconde fois, près d'Eu, le soleil déclinait, le ciel était gris et plein de vapeurs dif­fuses, la mer emplissait l'intervalle de deux hautes collines ; je ne sais comment tombait le rayon du soleil, on eût dit un triangle d'or massif sans aucun coin sombre; seulement un léger frissonnement moiré à la surface. Cela m'apparut subitement au haut d'une montée comme un trou éblouissant au bas du ciel terne. Figurez-vous cette vision.

Le troisième aspect, c'était cette marée montante le soir.

Mais voici une lettre sans fin. et je ne vous ai pas encore parlé de vous, cher ami. Il me semble que parler de la mer, c'est parler de nous. Est-ce que nous ne dirions pas cela et mille autres choses enco­re si nous étions ensemble ? Oh ! je vous voudrais ici, mon excellent ami, pour moi; vous, mon grand peintre, pour l'océan. Adieu. Le papier me manque ; je vous serre la main. Faites de belles choses là-bas pendant que j'en vois ici. »

 

1054. Victor Hugo à sa femme

 

  Du Tréport — 6. 7bre1837, onze heures du soir.

 

Je n'ai pu résister au Tréport; J'en étais trop près. Il m'attirait trop vio­lemment, m'y voici. J'y suis arrivé cette fois à la marée basse. C'est tou­jours un lieu ravissant . — Hier, j'ai fait à pied une excursion au Crotoy, charmant petit port vis-à-vis St Valery, à l'embouchure de la Somme. Au moment où j'arrivais c'était le départ des barques , chose toujours admi­rable et toujours nouvelle. Toutes les voiles, dessinées nettement par les angles, s'enlevaient en noir sur le ciel et sur la mer qui éblouissait. Je t'aurais voulue là, chère amie. J'ai revisité à Abbeville S t -Wulfran et sa vieille façade toute rongée par la bise et par la lune. J'ai revu cette belle église avec autant de plaisir que la première fois, il y a deux ans. Elle a quelques rides de plus et je n'en ai pas de moins. — Il y a à l'angle une sublime statue de vieillard à demi enfouie dans un toit. Ils ont bâti là une ignoble maison qui lui monte jusqu'à la ceinture, le vieux saint de pierre les laisse faire sans interrompre sa calme rêverie. A côté de lui un guerrier que cette honteuse crue de tuiles semble près d'atteindre s'en dégage fière­ment. Toutes ces figures sont graves et belles. Il ne faut pas les voir pour­tant après celles d'Amiens. — J'ai bien employé ma journée, mon Adèle. J'ai été voir le château de Rambure, beau groupe de tours du treizième siècle. Je l'ai dessiné. La route à travers bois était charmante. Quoique fort cahotée, j'ai pu la faire en voiture. Et puis je suis venu au Tréport. J'ai laissé à ma gauche Blangy, riante petite ville cachée dans les peupliers au fond d'une superbe vallée à grands contours. J'ai également laissé de côté la route d'Aumale qui traçait sur le revers des collines opposées le geste fulminant et tortueux de MelIe Mars dans Tisbé. J'ai traversé Gamaches. L'église a un charmant portail du 15e siècle. J'ai vu passer à Gamaches deux femmes qui n'étaient pas à la noce. C'étaient deux pauvres contrebandières de tabac prises sur le fait. On les menait en prison à Blangy avec leur tabac, leur déconvenue et leur charrette ornée de deux gendar­mes. Je leur ai donné la monnaie que j'avais dans ma bourse. — La route de Gamaches à Eu est fort verte et fort bien entourée. Elle court gaiement le long d'une haute colline qui va aboutir aux falaises. On rencontre de temps en temps un de ces carrés de chanvre qui ressemblent, à des forêts de petits cocotiers. On se suppose géant, on est en Amérique.

Mais tu dois être bien fatiguée de cette lettre sans fin, ma pauvre amie. Je la ferme en t'embrassant; ainsi que ton père et les chers petits. — As-tu écrit à M. Naudet que j'étais absent ? — Je ne sais encore si je passerai par Gisors. Mais écris-moi toujours là. Mon itinéraire dépendra des voitu­res. Je tâcherai pourtant de le diriger vers Gisors. —

 

A bientôt, mon Adèle bien-aimée. — A bientôt, ma Didine. — Mille baisers.

 

 

Adresse: Timbre postal:
Madame la Vtesse Victor Hugo

Eu 7 sept 1837.

 

Mais pour ceux que la littérature n'intéresse pas voici quelques autres photos.

Cygnes au Tréport
Grisard nageant dans les eaux du port
Autre grisard

Et puis une petite série sur le lissage et le nettoyage du plumage 

Goéland adulte
deux cygnes tuberculés

Ce bel oiseau, aristocrate au blanc plumage

Promène sa morgue altière à travers le port

Suivant souvent d'une compagne le sillage

Et sur les eaux vertes, appréciant son sort

Il tourne dans sa lente et éternelle nage.

 

On les voit rarement voler sauf pour chasser

Un autre mâle flirtant de trop près sa belle

Alors d'un vol puissant, teigneux et enragé

Il poursuit son rival, frappant de bec et d'ailes,

Les eaux et le port en sont soudain agités.

 

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J
Bonjour,<br /> j'ai lu ces lettres avec plaisir. Merci de les publier.<br /> "la mer remue des abîmes de poésie" pour moi aussi. La montagne, que j'ai beaucoup fréquentée (les Pyrénées sont proches), m'inspire bien moins.<br /> Et j'ai pensé à ses deux romans, "Les travailleurs de la mer" et "L'homme qui rit" où Hugo donne, je crois, le meilleur de lui-même en nous parlant de la mer.
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S
une tendre agitation d'ailes amoureuses.... et un reportage que je suis avec intérêt...
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