Les couvreurs
Les couvreurs sont sur le toit, équilibristes
Ils évoluent comme sur un plancher,
Prenant des pauses pour se reposer
Et réfléchir à leur œuvre d’artistes
Ils ont le geste pauvre et efficace,
L’un d’entre eux descend la pente cachée
A mes yeux du toit, habile et léger
Sur ses jambes, il s’assoit et les passe
Dans le vide puis disparait à ma vue
Et à celle de ses deux compagnons
Qu’est-il donc aller faire dans la rue ?
Je vois bientôt monter sans aucun son
Au bout du bras vert d’un élévateur
Une lourde palette de tuiles,
Un mouvement lent comme dans l’huile
Qui stoppe au-dessus du toit en douceur.
Le plus grand des couvreurs restés là-haut
S’approche du bord par la charpente,
Se penche et crie vers le bas quelques mots ;
L’autre moins assuré est dans l’attente.
Mais en bas on ne semble pas comprendre,
Je vois l’homme s’approcher plus du bord
Et de la main indiquer de descendre
La palette, et le bras, tel un ressort
Qui se rétracte, vient poser doucement
Sur le pan déjà habillé de rose
Du toit, le cube ; belle apothéose
Pour l’argile, l’entrée au firmament !
Aussitôt le cube est démailloté
Et les tuiles dénudées sont saisies
Par des mains pleines de dextérité,
Et par les rudes travaux anoblies,
Puis, descendues avec célérité
Sur l’autre versant, elles s’accumulent
Bien alignées en petits monticules
Qu’un rayon de soleil vient magnifier.
Le travail n’est pas fini mais je quitte
La fenêtre, la ville de Bordeaux
Vaut bien qu’on lui fasse d’autres visites
Que celles des toits qui sont en travaux.
Mais je n’oublierai pas ces ouvriers
En revenant le soir de mes balades
J’irai voir leur beau travail terminé
Qui nous abritera des ciels maussades.