Parfois je me retrouve...
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Parfois je me retrouve, songe délicieux,
Suçant barbe à papa de mes lèvres heureuses,
Et sur les manèges, cavalier silencieux
Attrapant avec une gaîté malicieuse
Du bout d’une lance en bois l’anneau précieux
Donnant droit au tour gratuit, magie fabuleuse !
Tournez, tournez manège et rêves impérieux !
Plongez moi vers ce bonheur d’être entre copains,
À jouer au ballon ou bien à la délivrance,
Ou dans les barraques abandonnées des forains
Cherchant sous les planchers avec un peu de chance
Quelques pièces jaunes égarées en chemin.
Loin, très loin d’aujourd’hui retrouver mon enfance,
Ses courses héroïques, ses malheurs anodins.
Par l’imagination recréer mon quartier,
Ses deux squares, ses deux mairies, ses deux places,
L’école élémentaire où j’étais écolier
Et les jardins secrets derrière les façades,
Ce monde caché connu des seuls initiés
Que le passant ignore et qui est presque mirage
Aujourd’hui alors qu’il nous était familier.
Je revois avec mon cœur le beau marronnier
Qui ornait le coin du cours de tennis, immense
À mes yeux d’enfant et dont j’aimais regarder
Son élan vers le ciel et la verte opulence
Du feuillage ; géant solitaire et princier
Il régnait sur les jardins et nos impatiences,
Indiquant les saisons mieux qu’un calendrier.
Je le voyais depuis le quatrième étage ;
Ainsi, bien que petit, j’étais à sa hauteur
Et pouvais dialoguer malgré son grand âge
Et j’étais sûr qu’il se tairait plein de pudeur
Sur mes secrets, mes désirs , mes peines, mes rages.
Un bon compagnon surtout s’il était en fleur.
C’est là que je l’aimais le plus et à l’automne aussi
Quant tel un roi mage en route vers Bethléem
Il se couvrait d’or et de couleur, tout bruni
Comme ces joueurs qui venaient en fin de semaine
Frapper sur les balles toute une après-midi.
Mais ils ne venaient pas quand le ciel était blême
Ou noir et que l’orage grondait sur Paris
L’hiver les faisait fuir et le tennis désert
Restait silencieux et l’arbre sans ses feuilles
Semblait soudain petit dans le profond aber
Semé de jardins où dormaient les chèvrefeuilles
Et que la falaise des immeubles domine
De ses murs blancs coiffés du beau zinc de Paris.
Lac calme dans la ville qui autour fulmine.
Mon œil voyageait dans ce lac où seuls le ciel
Et l’air descendaient épousant l’arbuste et l’herbe,
Et mon cœur y déversait ses rêves pluriels,
Appuyé au balcon et apprenant ses verbes.
Dans cet espace ouvert et presque vide l’œil
Était arrêté par l’église aux tons grèges
Qui au Sud le fermait, tel un gardien du seuil.