L'exposition El Greco au Grand Palais
Je suis allé il y a déjà une semaine voir au Grand Palais l'exposition El Greco. Très belle expo où il y avait un peu de monde mais je 'ai pas trop attendu car je suis abonné à la Carte Sésame. Après à l'intérieur du musée ce n'était pas la presse comme l'année dernière à l'expo sur le Caravage au musée Jacquemart-André mais il fallait un peu de patience quand même. On rentrait d'ailleurs par une petite porte assez inhabituelle et un escalier de même. L'expo dure jusqu'au 10 février 2020.
El Greco est un peintre, sculpteur et architecte assez connu né en Crète en 1541 et mort à Tolède en 1614, en Espagne. Cervantès est son contemporain espagnol le plus célèbre (1547-1616). Vélasquez vient après lui (1599-1660). De son vrai nom Doménikos Théotokopoulos quitte son île natale en 1567 à plus de 25 ans alors qu' il est déjà considéré comme un artiste établi. Tout naturellement, il arrive à Venise puisque la Crète à l'époque est possession de la République de Venise. Il a du mal à s'y faire une place parmi les grands peintres célèbres qui officient dans la Cité des Doges : Le Titien, (1488-1576), Le Tintoret (1518-1594), Le Véronèse (1528-1588). Il y séjourne de 1568 à 1570, considéré comme un disciple du Titien et influencé par Le Tintoret et Bassano. Après un voyage à Parme où il découvre la peinture du Corrège et Du Parmesan, il file à Rome où il se met au service du cardinal Alexandre Farnese en 1570 avec lequel il finit par se fâcher à propos selon Giulio Mancini de la demande qu'il aurait faite de détruire et de repeindre les fresques de la chapelle Sixtine. Selon d'autres il aurait voulu en éliminer les nus indécents. Ce qi est par contre assez bien documenté c'est son opposition avec Michel-Ange dont il dit dans ses notes qu'il n'a jamais su peindre les cheveux et les carnations par manque de coloris. Quel culot de s'attaquer à Michel-Ange ! Il reste quand même à Rome jusqu'en 1576 . Il arrive en 1577 en Espagne sous le règne de Philippe II mais le monarque n'aime pas sa peinture et c'est à Tolède qu'il connaitra la réussite.
Comme le Tintoret Le Greco s'exerçait au dessin avec des statuettes imitées des sculptures de Michel-Ange pour maitriser les effets en raccourcis.
La photo est ratée mais je l'ai mise surtout pour les couleurs et le ciel. Greco étant un grand coloriste.
Le Greco a parfois des cadrage quasiment photographique.
Ma photo est aussi un peu ratée, il s'agit d'une petite toile qui reproduit ou qui prépare la grande que je montrerai plus loin.
Saint-Luc est présenté comme un peintre miniaturiste. Pour Greco, le fait que Saint-Luc ait peint des icones justifiait la possibilité de peindre des images à une époque ou l'iconoclastie protestante s'était répandue en Europe. Il s'inscrit par là dans le mouvement de la Contre-Réforme.
Greco est aussi un grand portraitiste.
Un des chef-d 'œuvres du Gréco qui inspira Diego Velasquez puis Francis Bacon.
On remarque en bas à droite Saint-Jérôme avec la Bible dans les mains, les regards tournés vers nous. Peut-être un clin d'œil au Caravage et à son fameux clair-obscur.
Saint-Louis était très apprécié en Espagne à l'époque du Greco.
C'est un très grand panneau. Sur cette reproduction les couleurs sont ternies par rapport au vrai tableau mais ma photo était bougée et déformée par la prise en contre-plongée.
Tolède quand Greco s'y installe rayonne dans toute l'Europe comme un grand centre artistique et culturel. Gréco s'y sent bien parmi une clientèle de lettrés partageant l'esprit humaniste découvert en Italie. Les commandes affluent grâce à l'intense développement de la dévotion privée aussi Le Greco en profite pour se doter d'un atelier pour honorer les commandes ordinaire, se réservant les commandes les plus importantes.
Un autre tableau extraordinaire avec ce ciel d'orage et les éclairs qui illuminent toute la scène et le paysage du mont Golgotha. Ce tableau qui se trouve d'ordinaire au Louvre a une histoire compliquée. Il appartenait aux religieuses hiéronymites de la Reina de Tolède qui le vende en 1836 au baron Taylor pour le compte du roi Louis-Philippe pour être exposé au Louvre dans la galerie Espagnole du roi. Puis il est vendu à Londres au moment de la dispersion de la collection et acquis par le banquier Issac Pereire qui l'offre en 1863 à la petite ville de Prades, sous-préfecture des Pyrénées-Orientales dont il était député. Elle y était accrochée primitivement dans le tribunal puis fut déplacé à la mairie où le conservateur du musée de Pau la découvre en 1906 recouverte d'une toile de serge verte en lambeau.. L'année suivante il est classé au monument historique et en 1908 le Louvre l'acquiert. Seule œuvre de la collection espagnole de Louis-Philippe qui a fait retour au Louvre.
Celui-ci aussi il faut le voir en vrai ma photo n'en rendant qu'imparfaitement compte. Jésus saisi d'angoisse devant la mort prie Dieu le Père pendant que trois de ses disciples se sont endormis, un ange l'assiste, tandis qu'à droite à l'arrière plan une troupe de soldat s'avance pour l'arrêter. Du côté de l'ange qui tient un grand calice dans la main, le ciel est d'azur et un rayon en descend qui vient toucher Jésus. De l'autre côté c'est la nuit éclairée seulement par une pleine lune masquée par des nuages. En dessous de l'ange, les disciples dorment dans une cavité entourée d'un nimbe vaporeux El Greco en donnera un nouvelle version 10 ans plus tard.
La composition est à peu près la même mais les coloris sont différents et les nuages sont plus épais. Les soldat sont pas trop visible sur ma photo car ils sont plus dans l'ombre on aperçoit cependant la lumière de la torche de l'un d'eux.
Cette place de la variation est au cœur de son processus créatif. Tient-il cela de sa formation byzantine ou bien l'a-t-il observé dans les ateliers vénitiens en tout cas il y a dans son œuvre une tension régulière entre création et variation.
Pour accroitre sa notoriété, El Greco fera reproduire certaines de ses œuvres en gravure avec un faible succès.
Son œuvre n'est pas que religieuse, en dehors de ses portraits, il a peint aussi quelques scènes profanes.
La première Sainte Marie Madeleine appartiendrait soit à la fin de l'époque romaine soit au début de l'époque espagnole. La Seconde est daté de 1584. Deux tableaux magnifiques.
Le coté sérial de l'œuvre du Greco fascina les artistes du 20ème siècle. On connait les peintures en série de Andy Warhol , un peu moins celles de Giorgio de Chirico. Mais le plus fasciné reste peut-être le cinéaste Sergueï Eisenstein qui le considérait comme un monteur avant l'heure.
C'est le tableau qui m'a le plus frappé. Tout l'amour et la peine devant la perte d'un être cher y sont saisis avec une intensité fantastique. La couronne d'épine git en bas à gauche, tous les personnages sont livides, Joseph soutient son fils et se penche sur lui pour lui donner un dernier baiser, le regard de la Vierge est d'une tristesse infinie, Marie-Madeleine est au bord des larmes, l'abandon du Christ sur les genoux de sa mère est tel qu'on le sent totalement absent, réellement mort. Comment peut-on rendre plus belle cette triste scène ? Extraordinaire tableau.
Une étrange composition qui donne à la scène un côté fantastique. L'impression d'avoir plusieurs tableaux juxtaposés. A droite l'Enfer où les damnés se tordent et brûlent dans les flammes, à gauche dans un quart de cercle qui les coupe de l'Enfer, les hommes sont en adoration du nom de Jésus et au dessus le ciel, les anges et le nom lumineux de Jésus sous la forme de son monogramme IHS "Jésus Sauveur des Hommes". Une scène complètement mystique. Est-ce la fresque qu'il voulait faire en remplacement de celle de Michel-Ange dans la chapelle Sixtine ?
Voilà comment le poète Jean Cocteau voit la scène : "Désormais le voici en proie à l'univers secret des noyés, des morts statufiés, dans leur dernière pose par le magnésium des catastrophes.. Tous les visages, toutes les mains, tous les torses, toutes les jambes qui sortiront du tube fiévreusement pétri auquel ils ressemblent, s'étireront, se dénoueront, se renverseront, se hausseront et souffriront des crampes sublimes de ceux qui dépérissent sur terre. Ils aspireront à rejoindre par l'entremise d'une tempête d'étendards qui claquent, les piscines de lumière où les anges et les dieux nagent à la renverse, dans un tournoiement de jupes et d'ondes sonores."
La figure de Saint-Jean l'Evangéliste a été reprise dans un des personnages de l'Assomption de la Vierge.
Son fils l'aida dans son atelier mais il était avant tout un architecte. Il semble que son père ait préféré le représenter en peintre.
Cette œuvre date de l'époque italienne environ 1575. Les architectures classiques et la perspective ouvrant sur le ciel marquerait l'influence du Véronèse. On remarque en bas à droite le portrait de quatre peintre italiens : on trouve de gauche à droite, le Titien, son ami Giulio Clovio, Michel-Ange et Raphaël.
Une autre version où se remarque l'évolution de la palette du peintre et un cadrage plus resserré qui accentuent le mouvement et la violence de la scène.
Une troisième version, un peu floue malheureusement mais on y retrouve en partie la perspective de la première version italienne et les colories de sa nouvelle palette.
Il s'agit du dernier style du Greco, figures démesurément allongées sur fond sombre, tons acides, draperies aux plis cassés.
A comparer avec l'Annonciation placée au début de cette article.
Cette œuvre inachevée à la mort du peintre termine l'exposition. Elle aurait inspiré plusieurs peintre du 20ème siècle et notamment Picasso pour les Demoiselles d'Avignon.
Malgré la qualité pas toujours bonne des photos j'espère que vous aurez apprécié cette promenade dans l'œuvre du Greco. . Vous pouvez la voir jusqu'au 10 février 2020 au Grand-Palais à Paris.