Des coups (Yannis RITSOS)
Le sel, le soleil, l'eau rongent peu à peu les maisons.
Un jour, là où étaient fenêtres et hommes, il ne reste
que des pierres imbibées
et une statue le visage contre terre. Les portes seules
voyagent sur la mer, rigides, peu habituées, maladroites.
Parfois, au coucher du soleil,
on les voit resplendir toutes plates sur les eaux, fermées
pour toujours. Les pêcheurs
ne les regardent pas. Très tôt, ils sont assis chez eux,
devant la lampe,
ils écoutent les poissons glisser par les fissures de leur
corps,
ils écoutent la mer les frapper de mille mains (toutes
inconnues)
puis ils tombent et s'endorment, des coquillages
enchevêtrés dans leurs cheveux.
Tout à coup, ils entendent frapper à ces portes-là et
s'éveillent.